samedi 23 mars 2013

Made in Britain

Le bon-film-pas-très-connu-du-mois-de-mars est : 


Sortie en salles en Angleterre le 25 février 1982


Réalisé par : Alan Clarke

Avec : Tim Roth, Bill Stewart, Sean Chapman...

Nationalité : Angleterre

Genre : Bisounours s'abstenir

Durée : 1h 12


Trevor est un skinhead qui porte une croix gammée entre les deux yeux. Il a un penchant pour la bagarre et passe son temps entre le bureau d'aide sociale aux chômeurs et le hangar dans lequel il vit.




Bande annonce : Made in Britain



Je t’envie petit veinard ou petite veinarde si tu n’as pas (encore) vu Made In Britain. J’aimerai retrouver l’effet que ce film m’a procuré la première fois où cette petite bombe de 72 minutes m’a giclé pleine tête. Oui, Made In Britain t’explose à la face comme de la nitroglycérine. Concentré de violence, de défiance face à l’autorité, d’intelligence face à un système défaillant, le long métrage du regretté Alan Clarke est un de ces rares films dont la connaissance t’enrichit. Vraiment. 


Qui a dit que les bretelles c'était un truc de vieux croûton ? 


Alan Clarke, c'est qui ? 

L'anglais reste malheureusement méconnu dans l’histoire du cinéma britannique. Si le festival Premiers Plans d’Angers lui a consacré une rétrospective en 2012, ses films majoritairement réalisés pour la télévision anglaise demeurent bien moins fameux que ceux de Ken Loach par exemple. Un rapide retour sur la bio du british director nous permet d’avoir une vision globale de son travail. Alan Clarke a beaucoup travaillé pour la BBC et ses films traitent exclusivement  de la société britannique et de l’échec du système thatchérien dans les années 80. Alan Clarke a surtout marqué par quatre films. Scum, d’abord, qui traite de trois jeunes dans une maison de correction. Kim Chapiron en a d’ailleurs fait un remake en 2010 : Dog Pound. Il réalise ensuite Made In Britain, sur lequel je n’insiste pas. Puis, avec The Firm, il révèle Gary Oldman et fait de lui un personnage de hooligan impitoyable. Mais c’est Elephant qui demeure l’œuvre la plus singulière du réalisateur anglais. Moyen métrage de 35 min, il est une illustration du conflit religieux en Irlande. Elephant est une succession de dix sept assassinats sans aucune raison ni explication. Déroutant et puissant. 


A côté, le tatouage du jaffa Teal'c est ridicule...


Avant The Firm et Elephant, il y eu donc Made In Britain. Réalisé en 1983, le film se concentre sur l’itinéraire chaotique de Trevor, interné dans une maison de redressement à la suite de multiples délits. Echec du système éducatif, échec du système politique et social de Thatcher, Alan Clarke réalise ce film après les émeutes de Brixton de 1981 (Y’a pas que Les Clash hein…) L’esprit Skinhead est aussi très largement présent. Crâne rasé et croix gammé sur le museau, le petit Trevor n’est pas ce qu’on pourrait appeler le « gendre idéal ». 

Dans une Angleterre, morne et grise, le personnage de Trevor évolue en perpétuel conflit avec l'autorité et le système judiciaire anglais. Incarné magistralement par Tim Roth, dont c'est le premier rôle à l'écran, Trevor agresse le spectateur. La caméra d'Alan Clarke le filme d'une manière très frontale, imposant continuellement un climat de violence et d'opposition. Tensions et rapports de force structurent ainsi le récit. Que ce soit à l'ANPE ou dans le centre de détention, Trévor ne trouve un exutoire que dans une action violente et impulsive. Violence physique certes, mais également violence verbale. Les propos racistes du jeune délinquant évoquent les dérives du mouvement punk né à la fin des années 70. Cependant, Trevor n'a pas vraiment d'idéologie raciste. C'est davantage l'absence de repères identitaires qui s'exprime ici, beaucoup plus qu'une haine réfléchie contre l'immigration noire et paki en Angleterre.


En toute amitié bien sûr...


Cette violence crachée à l'écran par Trevor/Tim Roth est inévitablement couplée avec le mouvement frénetique et continu du personnage central, élément clé de la mise en scène d'Alan Clarke. Le rythme rapide et colérique de la musique punk s'accorde alors parfaitement avec les longs travellings, spécialité de l'anglais. L'emploi de la steadicam ajoute également au style radical de sa réalisation. Elle permet au réalisateur de suivre le mouvement du personnage au plus près de son corps, et ce, de manière stable. C'est la première fois qu'Alan Clarke emploie cette technique. On la retrouvera plus tard dans The Firm et les bastons légendaires entre hooligans...

L’enchainement des séquences proposé par Alan Clarke suit toujours le même schéma : Trevor face au système et ceux qui l’incarnent. Tous les personnages représentant l’autorité essaient de recadrer le jeune délinquant dans le droit chemin mais rien n’y fait. Aussi violent qu’intelligent, Trevor trouve toujours la parade pour mettre ces pions du système en échec. En ce sens, Made In Britain évite tout jugement hâtif et toute condamnation de telle ou telle partie. Le film d’Alan Clarke est cinglant sans être cynique. La séquence centrale en est le parfait exemple. Trevor est enfermé dans une cellule et tourne comme une bête en cage. Plusieurs éducateurs se succèdent alors. Un d’entre eux lui explique « le cycle de l’échec » sur un tableau noir. Le regard plein de défiance et sûr de lui, Trevor parvient à lui tenir tête. Alan Clarke n’impose aucun parti pris au spectateur, il lui laisse sa liberté de jugement. De ces éducateurs, un seul trouve grâce aux yeux de Trevor : Harry. C’est finalement au domicile de ce dernier qu’il ira chercher une issue…




Made in Britain, et plus largement les films d’Alan Clarke appartiennent pleinement à ce que l’on nomme aujourd’hui le « cinéma social britannique ». Mais à la différence d’un Ken Loach par exemple, les personnages d’Alan Clarke ne sont pas manichéens. Il n’y a pas les « bons pauvres » d’un côté, et les « méchants riches » de l’autre. Alan Clarke laisse ainsi une œuvre trop courte et non appréciée à sa juste valeur. Vous pouvez vous rattraper car quatre de ses films viennent d’être édités en DVD aux éditions Potemkine. Courez-y ! 


Mr. H'



1 commentaire:

  1. Perso, le seul film que j'ai vu d'Alan Clarke est Scum, d'ailleurs, la chronique est ici :
    http://movieandzik.canalblog.com/archives/2012/12/26/25972038.html

    J'avais beaucoup aimé, et j'aimerais beuacoup en voir d'autres, dont celui ci.

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